je
suis lourd comme une statue
lourd
les doigts et lents
il
n’y a pas de regard sur ma joue
sur
mon front j’aime regarder
la
joue le front des statues
non pas de regard
sur
mon visage qui est
sûrement lui une étendue
la joue et le
front surtout
ce sont des étendues il y a
beaucoup
de choses qui s’y
trouvent en général
le lisse du
bronze ou du
je ne sais plus trop de quoi
sont
fait les statues ?
le plat en tout cas je veux dire
la
courbe c’est là que mon
regard s’arrête en vérité
si
quelqu’un venait à
me regarder il n’y aurait PAS
de
reflet sur ma joue sur
mon front si quelqu’un
venait
à me regarder voilà
il me suffit d’un regard
posé
sur moi alors
je ne sais pas il se
passerait
quelque chose
peut-être ce serait juste
un
regard qui ne dit rien
après tout on ne parle
pas
aux statues
sauf celles des églises oui
mais je suis
dans mon lit
dans ma chambre
si quelqu’un venait à
me
regarder alors il
serait dans ma chambre
debout ou assis
sur la
chaise et son regard
sera posé sur moi
et
moi je serai comme
je suis posé sur moi également
de
tout mon poids
je suis lourd de
moi-même et je
porte
mon corps en mon corps
inerte mort avec
faiblement
les doigts qui bougent su
r le clavier si
quelqu’un
avait un regard un
regard c’est
beaucoup
c’est tout un regard
si il y a un
regard il y
a quelqu’un ici
dans ma chambre
ce
serait tout d’être
deux dans cette chambre
moi je
serai trop fa
tigué pour regarder mais
tant pis ma joue
mon
front sauront et mes yeux
sauront sans regarder
car
ce regard sera naturel
sa présence sera naturelle
il
n’y aura pas besoin
d’autre chose que cela
rien n’a
changé
les statues que je
connais ne changent
pas
non plus
peut-être ont elles
de la mousse parfois
ou
des reflets moins brillants
mais elles ne changent
pas
toujours leur pré
sence est lourde à soi même
posées
comme je le suis
il est fatiguant pour
une statue
je
suppose
d’être ici précisément
de n’avoir
rien d’autre
comme pensée ou
comme geste d’être
ici
imaginez vous
être une statue
que
cela est fatiguant
moi j’ai le mouvement
très faible au
moins
mais le mouvement
d’une statue celui de
l’être
où partout je n’ai que pour
geste
d’être ici
cela est fatiguant
rien n’a
changé
rien n’a changé
rien n’a changé
il me
faudrait
cesser d’être
ou bien il
faudrait
juste un regard
sur ma joue
et mon front
les
statues
ne dorment pas
personne ne regarde
les
statues
la nuit
mais je suis
plus lourd et vivant
que
les statues
et mon corps fatigué
est un
sommeil
plus lourd et vivant encore
que peut
être
l’air épais des nuits
sur la joue
et
le front des statues.