Je me suis caché dans ma fatigue
sans sommeil sans soleil
je me suis caché tous les jours tout le jour
je me suis caché sans pleurer
car quand on se cache pleurer est une honte
plus grande encore
La honte est un parasite qui se nourrit de lui-même
et ce n’est pas la peur qui fait la lâcheté mais bien la honte
je n’ai peur que d’une chose et c’est la honte
et je me cache
je me cache dans ma honte.
je me cache dans ma honte comme on se cache quand
les parents se disputent en bas et que les voix se brisent
la mère qui a des falaises dans la gorge
le mépris du père, mesquin, mesquin
Je me cache dans ma honte et je ne dis rien
comme le frère qui ne me parle jamais
un silence noir
un silence noir avec des couteaux
je me demande s’il m’apprécie
Je me cache dans ma honte
mes amitiés sont anesthésiées
je tiens la distance, oasis un jour
et mirage l’autre
Je me cache
j’entends les cris du monde
mais je ne bouche pas mes oreilles
j’écoute
je me cache
j’écoute
je me cache
on me cherche
je ne dis rien
je suis caché
du temps j’ai perdu le futur
le passé est lointain et je ne m’en souviens plus
assez pour y puiser quelque chose qui
pourrait me rappeler que j’ai été
la chambre est grande mais serrée
on ne me voit pas et même la chambre
ne me voit pas
trop peu de vie de lumière
je crois qu’elle est morte
le bureau est aussi un cadavre
je m’en sers quand même
sans même y penser
je ne pense à rien
je me cache dans ma honte
et la honte mange mange mange
j’oublie souvent que je suis caché
que je suis : quelque part
probablement ici
je regrette les présences et les solitudes
les amours, c’est à dire
les présences et les solitudes
je n’ai pas grand-chose à faire
je ne m’ennuie pas et ça m’intrigue
un moment
après j’oublie
je dis souvent : j’oublie
et : j’ai perdu
je crois que je ne sais pas ce qu’il y a à vivre
je dis souvent je ne sais pas
mais c’est un peu vrai
je ne sais pas
je dis souvent je ne sais pas et c’est vrai que je ne sais pas
comment retrouver le rythme des jours
et de mon corps
mon corps est absent
je m’en rends compte le soir
quand je me masturbe
parfois j’arrête sans avoir joui
sans vraiment de raison
il n’y a pas vraiment de raison
à tout ce que je fais
il n’y a pas vraiment
il n’y a pas
je réalise que je parle de tout ce qu’il n’y a pas
ce qu’il n’y a plus
je sais pourtant qu’il y a des choses
je pourrais faire quelques vers pour en parler
ça fera joli et peut-être un peu niais
je pourrais en parler
des qui
sans vraiment
et de la
du
aux allures de ciel
je pourrais en parler
j’ai des ami.es à qui je ne parle pas
et d’autres qui ne me parlent pas
je pourrais en parler à ma mère
je pourrais parler à mon père
je ne sais pas vraiment pourquoi je me cache
je n’ai pas vraiment honte
j’ai honte de le savoir