j’ai peur de l’amour des autres
je le vois si grand
les gens sont si beaux
j’avais oublié
l’envie de l’autre
pas le désir mais
l’envie de s’engouffrer tout entier
l’envie violente
j’ai peur de cette violence
car je sais que les gens
ne sont pas immenses
je l’avais oublié
dans ma petitesse
et peut-être que je le savais
que je vous voyais grands
pour justifier de me sentir petit
j’ai peur de cette violence
je veux tout envahir
je veux vous déchirer le cœur
mais
j’ai peur
de quel droit
de quel égoïsme
pourrais-je vous aimer ainsi
ma peur d’être seul vaut-elle
ma peur de vous submerger
je ne pense qu’à moi
à ce que je veux vous donner
mais vous n’êtes pas immenses
et je ne suis pas petit
ou alors sur la pointe des pieds
l’un de nous se mettra à la hauteur de l’autre
avec un rire complice
car cela importe peu
je ne veux plus me comparer aux autres
et comparer mon amour
je ne veux plus dire je veux
j’ai tout à apprendre
de vous
apprendre à aimer
et à l’être
à sa juste mesure
car personne n’est immense
qu’on peut tout juste se mettre
sur la pointe des pieds
pour l’autre
sans le dévoiler
on peut tricher avec la douleur
on ne tient pas longtemps
mais assez pour surprendre l’autre
de pouvoir être naturellement à la taille
de sa tristesse
et cela fait sourire
car tout le monde a mal
car tout le monde a ses bonheurs
je suis si impatient
comme un enfant qui veut grandir
je me mettrai sur la pointe des pieds
et je vous dépasserai un instant
et vous saurez que je suis là
avec un amour et une douleur
complice