Métaphysique de dortoir

Quand je vagabonde parmi mes souvenirs
je me demande parfois si ceux-ci
ont autant de réalité que le dernier
de mes gestes accomplis. Lorsqu’alors
je me souvenais de cet homme dans le métro
qui souriait tout seul d’un sourire en soi
ce souvenir avait-il le même poids
que mon corps s’allongeant sur le lit
allongeant avec lui
ma pensée fatiguée ?
Et quand je me suis allongée,
n’avais-je pas en tête une autre pensée
qui déjà elle aussi est passée ?
Si je remonte ainsi le fil de ma pensée
jusqu’au présent le plus proche
comme un poisson remonterait
à contre-courant le fleuve d’Héraclite,
je me rends alors compte que tout ce que je vis
est simplement la pensée d’avoir vécu,
même dans l’existence
la plus immédiate.
Quand je vagabonde dans mes souvenirs,
quand je pense au sourire de cet homme,
quand je me love dans mes draps,
tout ce que je ne suis plus est d’avoir été.